Numéro de 55 degrés à l'ombre, notre newsletter mensuelle qui décrypte l'actualité des entreprises face au dérèglement climatique.
Le dérèglement climatique a des incidences sur tout. Ses conséquences se font sentir sur les saisons, les vendanges, les forêts, les littoraux, et même sur les établissements d’enseignement supérieur, qui doivent adapter leurs programmes et leurs locaux. Faire le lien entre tous ces sujets peut vite devenir compliqué, tant leurs ramifications sont touffues. Heureusement, de nombreux livres ont été consacrés au dérèglement climatique. La littérature abonde, dans tous les domaines et pour tous les niveaux.
Pour vous guider dans vos choix de lecture ou de cadeaux, nous avons fait la liste des ouvrages qui peuvent servir d’introduction au dérèglement climatique. Certains abordent le sujet directement, de manière frontale. D’autres le traitent de manière plus latérale, en passant, ou en toile de fond. Tous parlent des évolutions du climat et de ses conséquences pour nous, modestes bipèdes. Nous espérons que cette liste vous servira d’inspiration à Noël, ou plus tard. Et si vous vous posez la question, nous ne sommes pas affiliés aux éditeurs recommandés ici.
Les livres que nous recommandons ici nous ont aidé à nous faire une opinion sur les nombreuses facettes du dérèglement climatique. Nous les avons classés par langue, certains étant plus faciles à trouver en version originale.
Éditions du Seuil, 2017, 112 pages, 9 € (neuf).
La collection « Expliqué à… » fait dialoguer un spécialiste et un enfant sur des grands thèmes de société. Pour le climat, c’est Jean-Marc Jancovici, membre du Haut conseil pour le climat et professeur à l’école des Mines, qui joue le rôle du spécialiste. Au travers de questions sur l’énergie, les transports, le logement, l’alimentation et le travail, Jean-Marc Jancovici aborde les causes du dérèglement climatique et ses conséquences sur nos vies. Le livre est rédigé dans une langue claire, dépourvue de jargon, ce qui le met à la portée des plus jeunes — ou des plus vieux partant de loin. Une excellente introduction.
Éditions du CNRS, 2022, 135 pages, 18 € (neuf).
Ce livre, abondamment illustré, constitue une introduction accessible aux fondamentaux du dérèglement climatique. Jean-François Doussin, spécialiste de la chimie de l’atmosphère au CNRS, s’est entouré de vulgarisateurs scientifiques pour répondre à des questions simples comme : « Quelle est la différence entre météo et climat ? » ou « Qu’est-ce qu’un modèle climatique ? ». Le livre aborde aussi le cas particulier de la France. Bien que rédigé en réponse aux arguments climato-sceptiques les plus courants, l’ouvrage ne sermonne personne en particulier. Jean-François Doussin montre au contraire que tout le monde est concerné par le sujet, puisque tout le monde va devoir s’adapter aux conséquences du changement climatique.
Windmill Books, 2021, 336 pages, 19,20 € (neuf). Disponible en français sous le titre Moins pour plus.
Les conséquences du dérèglement climatique sont largement documentées. Mais les remèdes possibles ne sont pas tous connus, loin s’en faut. Les sociétés modernes se sont bâties sur le couple production/consommation, un couple qui carbure aux énergies fossiles depuis la révolution industrielle, avec des effets sur notre niveau de confort comme sur notre environnement. Stop ou encore ? Dans Less is More, l’économiste et anthropologue Jason Hickel, se demande si le passage à des sources d’énergie « propres » va nous permettre de lutter contre la déforestation, la surpêche, l’appauvrissement des sols et l’extinction des espèces — sans surprise, sa réponse est négative. Constatant qu’un surcroit de croissance économique ne se traduit pas forcément par davantage de satisfaction personnelle, Jason Hickel propose de mieux répartir la croissance que nous avons déjà. Rien de nouveau sous le soleil, certes, mais assez pour constituer une bonne introduction à la notion de « décroissance ».
Picador, 2019, 384 pages, 12,20 € (neuf). Disponible en français sous le titre Le ré-ensauvagement à la ferme de Knepp.
Que feriez-vous si vous aviez des dettes jusqu’au cou, des terres rendues stériles par des années d’agriculture agro-intensive, et le besoin impérieux de gagner votre vie pour survivre ? Vous tenteriez probablement le tout pour le tout. Ça tombe bien car c’est exactement ce qu’ont fait Isabella Tree et Charlie Burrell, à la ferme de Knepp. Chez eux, la stratégie du « tout pour le tout » a pris la forme du « faisons plus avec moins ». Ciao les intrants, donc, et bye bye les engrais. Isabella et Charlie sont revenus aux fondamentaux, au vivant, par le biais des semences originelles et des animaux quasi-disparus.
Comme son nom l’indique, ce livre parle d’une expérimentation originale, où le monde vivant reprend la main, et où l’humain se place délibérément en observateur, côté passager, pas côté conducteur. On ne peut qu’être ému par les pages décrivant le retour du castor dans les ruisseaux de la ferme, ou impressionné par les tentatives de réintroduction de certaines espèces. À la différence de la crise climatique, la biodiversité a cela de beau qu’elle se répare et que, rapidement, le vivant sait combler les trous que l’humain a causé. Une belle inspiration qui montre ce qu’un regain de nature pourrait faire à nos fermes, nos campagnes et nos paysages.
Les livres qui parlent de climat ne se trouvent pas tous au rayon « Sciences, Techniques et Environnement » de votre librairie préférée. Des romans, des bandes dessinées, voire des livres de cuisine peuvent aussi servir de prétexte à une discussion sur le climat.
Delcourt, 2019, 160 pages, 21,90 € (neuf).
Comme dans XIII, l’histoire interdite des algues vertes commence sur une plage. Mais contrairement à XIII, il n’y a pas de méchant complot à l’œuvre ici, juste les conséquences d’un mode de production agricole qui a nourri la France, avant de surcharger les cours d’eau bretons en nitrates, débouchant sur les fameuses algues vertes qui donnent leur titre à cette bande dessinée. Inès Léraud, reporter indépendante, a chroniqué les évolutions du modèle agricole breton avant de tomber un peu par hasard sur le sujet des marées vertes. Elle poursuit dans cette bande dessinée l’enquête qu’elle avait commencée pour France Culture. On y croise des lanceurs d’alerte, des scientifiques, des agriculteurs et des employés de préfecture. Un livre qui montre que les incidences de nos choix alimentaires peuvent s’étendre jusqu’aux plages de notre enfance.
L’observatoire, 2023, 379 pages, 22 € (neuf).
Humus, c’est l’histoire en miroir d’Arthur et de Kévin, deux étudiants passés par AgroParisTech, qui s’intéressent tous les deux à la transition écologique. Si vous avez déjà lu du Lacan, vous savez que « le réel, c’est quand on se cogne ». Pour paraphraser Lacan, disons qu’Arthur et Kevin vont se cogner, et ils vont se cogner fort. Le premier, par un retour à la nature et la reprise de la ferme de son grand-père, qu’il bascule vers la permaculture. Le second, par une tentative de prêt auprès de Bpifrance et un Master X-Hec entrepreneurs, afin de lancer sa startup dans le vermi-compostage.
Avec Humus, on passe une tête chez les leveurs de fonds de la Silicon Valley, on salue rapidement la directrice RSE de l’Oréal, on traverse un open-space rue du Sentier et on finit à Saint-Firmin, petit village du Loiret, situé non loin de Nevers. Les personnages défilent le long des 379 pages, mais pas les figurants, à savoir : les vers de terre — salués pour leur incommensurable contribution au monde vivant. Un livre pour nous rappeler que les fameux lombrics, qui permettent le recyclage de la matière organique du sol, sont une des clefs de voûte du végétal et de la production alimentaire mondiale. Sans eux, nous ne serions pas là. Une réflexion stimulante sur la transition écologique, ancrée dans l’actualité de notre monde, et de notre activité de consultants chez Magelan.
Headline, 2019, 320 pages, 12,20 € (neuf). Disponible en français sous le titre La parabole du semeur.
Nous sommes en 2024, la crise climatique a atteint des sommets, les inégalités sociales ont explosé, et la Californie sombre dans le chaos. Au cœur de ce tumulte, Lauren Olamina, adolescente noire et hyper-empathique, lutte pour sa survie. Vous avez dit hyper-empathique ? Entendez par là que Lauren ressent la douleur des autres comme si c’était la sienne. Pas facile tous les jours d’être hyper-empathique dans un monde qui s’effondre, où les violences, les drogues et l’esclavage sont devenus la norme. Mais la force de Lauren est de savoir rassembler les bonnes volontés. Autour d’elle, la puissance de l’entraide grandit, offrant une alternative et une lueur d’espoir au milieu du chaos.
Une œuvre visionnaire, publiée par l’autrice afro-américaine Octavia E. Butler en 1993, dans laquelle la nouvelle génération (incarnée par Lauren) doit faire face aux conséquences des négligences passées. Une dystopie à la fois dramatique et pleine d’espoir. Un texte captivant qui nous pousse à réfléchir à toutes les questions brûlantes de notre époque.
POINTS, 2022, 416 pages, 11,90 € (neuf).
Les discussions sur le climat ne datent pas d’hier, ni d’avant-hier. Remontant le fil des années, Jean-Baptiste Fressoz et Fabien Locher, à la fois historiens et chercheurs au CNRS, ont tenté d’établir la généalogie des préoccupations climatiques. On apprend en les lisant que les Conquistadors du Nouveau monde comme les révolutionnaires de 1789 s’interrogeaient sur les températures, les pluies et les récoltes — trois éléments susceptibles de mettre en l’air n’importe quel régime à l’époque. Après avoir longtemps considéré que le climat était l’affaire de Dieu, les sociétés industrielles ont cru reprendre la main sur les éléments pendant un temps, avant de s’apercevoir que le climat ne se laissait pas mettre sous cloche si facilement. Un livre essentiel pour comprendre la genèse et les évolutions du concept de changement climatique.
Penguin Classics, 1983, 336 pages, 13,50 € (neuf). Disponible en français sous le titre Walden ou la vie dans les bois.
Il faut croire que le besoin de « se mettre au vert » existait déjà au XIXe siècle. Bien avant que Decathlon n’invente la tente 2 secondes, Henry David Thoreau a passé 2 ans, 2 mois, et 2 jours dans une cabane qu’il avait lui même construite en pleine forêt — aux abord de Concord, dans le Massachusetts, sur les terres de Ralph Waldo Emerson. C’était en 1845, soit moins de 15 ans après le passage de Tocqueville en Amérique. Fuyant ce qui lui apparaissait comme un « trop plein » de civilisation, Thoreau a choisi la voie du minimalisme : beaucoup de nature, quelques livres, un peu de bois pour le feu. Il en a tiré un livre dont les développements suivent le rythme des saisons ; ce livre, c’est Walden. Voyez Walden comme une version d’Into The Wild plus érudite et sans empoisonnement bête à la fin. Un livre qui montre que le besoin de simplification remonte à loin.
PUF, 2019, 94 pages, 9 € (neuf).
Qu’est-ce que le suffisant ? Et comment le rendre désirable ? Vastes questions auxquelles André Gorz, philosophe formé à l’EPFL, tente de répondre dans ce petit traité en forme d’éloge. Partant de ce qui nous incite à consommer, et s’interrogeant sur la « nécessité de nos besoins », Gorz imagine un horizon démocratique où le « suffisant » remplacerait le « toujours plus ». L’intérêt du livre tient au fait qu’il devance de 30 ans les débats sur la sobriété, sur les professions essentielles, et sur les besoins fondamentaux. Complétant la philosophie du portique, Gorz nous encourage à modérer nos désirs, notamment afin de moins travailler — nul besoin de travailler plus pour acheter plus quand on se contente de ce qu’on possède. Il en va aussi de l’empreinte de notre appareil de production, devenu trop complexe et trop gourmand en ressources pour tenir dans un monde en contraction — une empreinte que Gorz jugeait insoutenable, dès 1992, année de parution du texte. Un texte daté donc, mais certainement pas passé.
Actes Sud, 2023, 400 pages, 22,50 €.
Le dérèglement climatique n’est pas un sujet facile à traiter pour les nutritionnistes. Ce sujet passe forcément après les recommandations de régimes individuels, ce qui tend à diluer le lien entre changements alimentaires personnels et changement climatique global. Anthony Berthou, ancien membre de l’équipe de France junior de triathlon, désormais nutritionniste et professeur à l’EPFL, parvient à faire le lien entre alimentation et climat, lui. Prenant comme référence l’alimentation de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs, Du bon sens dans notre assiette repasse le film de notre évolution alimentaire, des fruits cueillis à la main aux céréales ultra-transformées qui « ne poussent pas sur des arbres à céréales ».
Citant quantité d’études — le livre de 400 pages contient près de 2 000 notes — Anthony Berthou montre que le régime moderne, sucré et sédentaire, n’est ni une réussite pour nous ni une très bonne idée pour le climat, car il est diamétralement opposé au régime local et de saison que l’évolution a favorisé jusque là. Dans une dernière section très didactique, le livre liste quelques bonnes habitudes à prendre et quelques idées de menus pour vos repas, à la manière de ce qu’Anthony Berthou a déjà fait pour Yuka — il est le co-auteur du Guide de l’alimentation saine. Un livre qui va plus loin que la plupart des livres de nutrition, à la fois sur la partie purement nutritive, mais aussi dans les réflexions sur l’alimentation à l’horizon 2050.
La Plage, 2022, 336 pages, 35 €. Disponible en version originale (anglaise) sous le même titre.
À la fois plus gourmand et moins technique que le livre d’Anthony Berthou, le One pot, pan, planet d’Anna Jones n’en reste pas moins difficile à classer. Ce livre n’est ni un manuel de cuisine végétarienne, ni un traité sur le gaspillage alimentaire, ni un manifeste pour une alimentation moins centrée sur la viande — c’est un peu les trois à la fois, avec des ponts entre chaque thème. Partant du constat que l’activité humaine qui émet le plus de gaz à effet de serre (hors énergie) est l’industrie agro-alimentaire, Anna Jones a voulu créer des recettes à la hauteur des enjeux qui la préoccupent. C’est tout ce que vous pourriez attendre d’un bon livre de cuisine — des recettes claires et détaillées, des photos qui donnent envie de mettre un tablier — avec des passages qui font le lien entre choix alimentaires et dérèglement climatique. Un livre à ouvrir pour les recettes, et à lire pour les parties éditoriales.
